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Des gens de causerie et de coeur

Les Radioamateurs : des gens de causerie, mais aussi de solidarité, d’entraide et de coeur

Je me suis levé tôt ce matin-là. Très tôt. Les premiers rayons du soleil pointent timidement sur Québec sans nuage. Nous sommes le 29 novembre. 2009  Plutôt fraîche pour ne pas dire froide, la journée s’annonce tout à fait propice à la réalisation de mon désir de me rendre sur la montagne près de Pontbriand, à quelque 100 kilomètres de chez-moi. Je veux ainsi aider à l’installation d’antennes dont le rôle est de relier le nord de Montréal aux régions de Québec et de Chicoutimi par l’intermédière du réseau ARES/CSQ (Association Radioamateur Expérimentale du Sud de Québec). Mais plus encore, je souhaite recueillir, sur les lieux même du travail, le plus d’informations  possibles pouvant m’aider dans la rédaction d’un article sur la radioamateur. La journée, commencée dans le rire et la fraternité de ceux qui avaient décidé de participer volontairement à cette tâche de remise en place des antennes, aurait pu se terminer dramatiquement n’eut été l’altruisme de ces personnes réunies au sommet de la montagne et de celle exceptionnelle d’un travailleur d’Hydro-Québec de Pontbriand, Alain Blanchette.

Ne pas baisser les bras devant le revers ou l’infortune

Tout à commencé le 4 novembre 2009, alors que soumis aux vents violents de cette période de l’année, une des attaches d’ancrage de la tour répétitrice de 35 mètres (100 pieds) située au sommet du mont Dodier à Pontbriand se brise.   Ainsi privée d’une partie de ce qui la retient fermement en place, la tour s’écroule avec fracas au milieu des mugissements éoliens de cette nuit-là. On peut facilement imaginer les dommages considérables causés par une telle chute. Les antennes elles-mêmes sont sérieusement endommagées : réduites en pièces ou tordues. Et dans un état presque’aussi pitoyable, se retrouvent la structure de la tour, ses éléments de soutien et d’ancrage et l’entrée électrique du cabanon abritant les répétitrices . De tels dommages s’évaluent en milliers de dollars normalement. On peut facilement imaginer la consternation des dirigeants et des membres de ARES devant une telle catastrophe. Mais chez les radioamateurs, épreuve et consternation ne signifient pas découragement. Bien au contraire. Il semble que ce genre d’évènement soient propice à stimuler en eux le désir de participation  et d’entraide.  Reconstruire devient alors un leitmotiv.  La décision de réparer les dommages est prise sans hésitation.  Mais il faut faire vite avant l’arrivée de la neige, particulièrement au sommet d’une montagne de plus de 635 mètres (2000 pieds). Le début des travaux de remise en état de la tour et de ses antennes est fixé pour la fin de semaine du 21novembre. Serge Bérubé (VE2ABC), un expert en installation d’équipement de communication, accepte la coordination des travaux. Il accomplira son travail de manière efficace et professionnelle.

D’abord reconstruire la tour…

La reconstruction de la tour débute vers 9h00 le 21 novembre. Ils sont alors treize au sommet de la montagne s’activant à récupérer et à réparer autant de pièces possibles de la tour effondrée. Couchée au sol, elle donne l’impression d’être un cadavre à qui on veut redonner vie. Le chantier bourdonne d’activités jusqu’à l’arrivée de la nuit. Il faut faire vite devant l’hiver qui s’avance. Ce n’est que pour des raisons de sécurité que l’ordre de cesser le travail est donné. On était prêt à poursuivre les travaux  sous les projecteurs, mais travailler dans une quasi obscurité, à 35 mètres du sol, au milieu de la forêt, loin des secours en cas d’accident, est irresponsable. Quand l’ordre de cesser le travail est donné, la tour a retrouvé sa fière allure et une des antennes s’accroche déjà à son sommet. On décide de reprendre les travaux la fin de semaine suivante, soit le 28 ou le 29 novembre, pour terminer l’installation des antennes. Ce sera finalement le 29.

Puis, installer les antennes…

29 novembre. Vingt centimètres de neige recouvrent déjà la montagne.  Les sapins en sont lourdement chargés. Tout est blanc. Mais cette splendeur est loin de faciliter l’accès à la tour. Le chemin de 1,5 kilomètre, en pente raide, y conduisant à partir de la voie principale, est impraticable même pour une voiture à quatre roues motrices (4X4). Devant l’impossibilité de transporter le matériel passablement lourd et encombrant nécessaire aux réparations, on commence à jongler avec l’idée de rebrousser chemin. L’installation des antennes serait ainsi remise au printemps prochain. Le réseau en souffrira grandement durant tout l’hiver. Mais nul n’est tenu à l’impossible. La déception  gagne le groupe quand un membre, Christian Henri VE2CHQ, avance l’idée d’utiliser le VTT (véhicule tout terrain) d’un ami, Alain Blanchette demeurant à Pontbriand, pour transporter le matériel. Quelques minutes de vérification par téléphone et l’idée passe rapidement  de possible à réalisable. En moins d’une heure, le VTT  est là prêt à entreprendre le transport du matériel. Il faut le voir s’attaquant à l’importante accumulation de neige sur toute la longueur du chemin et par le fait même tracer une voie praticable pour ceux qui devront gravir la montagne à pied.  Rapidement tout le matériel est transporté sur le lieu du travail. Quelques minutes plus tard, c’est l’arrivée des marcheurs. Mais un tarde. Je suis celui-là. Sans doute un peu inquiet de mon retard, on vient  me chercher en VTT. En quelques minutes je me retrouve au pied de la tour. La vue sur Pontbriand est superbe. Tous sont là, fin prêts pour le début du travail.

Et redonner le service interrompu.

L’installation des antennes se termine vers 15h30. On aura consacré plus de quatre heures à les palanquer, fixer à la tour et ajuster avant que les installateurs ne regagnent le sol. On peut maintenant admirer ce magnifique ouvrage dressant fièrement ses 30 mètres vers le ciel, prêt à reprendre son service interrompu brutalement le 4 novembre 2009.

Malheureusement, je ne participe pas à la corvée. Les travaux débutent à peine quand il me faut quitter.

Merci à tous ceux qui ont mis l’épaule à la roue, particulièrement à Serge Bérubé VE2ABC, coordonnateur du projet et aux installateurs d’antennes Christian Henri VA2CHQ et Denis Bérubé VE2DIB travaillant à 35 mètres du sol pendant de longues heures.

Sans lien avec Montréal et les stations environnantes, on peut se demander ce qui  arriverait au réseau ARES. À tout le moins, il est juste de penser que privé de sa branche montréalaise, il ne pourrait plus être le même.

Pourquoi suis-je parti ?

Transporté par le VTT, je viens d’arriver sur le lieu du travail, au pied de la tour. Je me sens relativement bien. Mais une douleur diffuse, bien réelle cependant, s’installe au centre de ma poitrine. Me rappelant les paroles rassurantes du médecin lors de mon dernier examen, je ne porte qu’une attention distraite à la signification de la douleur. Je l’associe d’instinct à une douleur de type musculaire ou digestif ou encore liée à une forme d’hypoglycémie.Rien de plus. Mais la douleur s’accroche et s’amplifie. Je réussis à la contrôler et à garder mon calme grâce à la technique de la respiration méditative  que je pratique depuis plusieurs années. Après dix, quinze, trente minutes, une heure, le processus ne s’arrête toujours pas. Le mal s’obstine. Je pense à la possibilité d’un malaise cardiaque. Il ne faut plus attendre. Je demande à Serge Bérubé VE2ABC de faire venir une ambulance. Il mobilise immédiatement le groupe à cet effet. De sa position  au faîte de la tour et au moyen de son téléphone cellulaire, l’installateur d’antennes, Christian Henri VA2CHQ appelle  le propriétaire du VTT, Alain Blanchette,  pour lui expliquer la situation et lui demander de venir me chercher en urgence en plus, bien sûr, d’alerter les services ambulanciers. Il est hors de question de revenir par mes propres moyens au chemin principal, là où les ambulanciers m’attendront. Un membre du groupe  m’approche une chaise, un s’offre pour m’accompagner jusqu’au pied de la montagne, un autre m’offre une friandise pour combattre l’hypoglycémie, tous s’informent de mon état, etc… La solidarité du groupe, son esprit d’entraide, voire son altruisme se déploient. Leur comportement me donne confiance.  On m’annonce que l’ambulance m’attend déjà au pied de la montagne et que le VTT est en route pour venir me prendre.  La descente s’effectue en douceur sous l’habile conduite d’Alain. Le moindre mouvement brusque augmente la douleur. En dépit de la vitesse réduite,  il suffira de moins de trente minutes pour me transporter jusqu’au chemin principal, là où est stationnée l’ambulance.

Les ambulanciers me prennent en charge jusqu’à l’hôpital Laval

Les ambulanciers me prennent en charge. Rapidité, efficacité et professionnalisme décrivent bien leurs décisions et actions. D’abord, injection ou vaporisation de médicaments pour soulager la douleur. Pour eux, la probabilité qu’il y ait plus qu’une simple angine fait peu de doute. Puis c’est l’électrocardiogramme dont le résultat est envoyé immédiatement par télémétrie à l’hôpital Laval de Québec à plus de 100 kilomètres. Le résultat de l’analyse arrive quelques minutes plus tard : infarctus.  Il faut faire vite. Chaque minute compte. La douleur persiste et s’accentue même dans mon bras gauche. Je crains le pire mais, si bien entouré,  je reste calme. Moins d’une heure suffira à l’ambulance pour franchir la distance entre le pied de la montagne et l’hôpital Laval. Les ambulanciers sont en relation constante avec le cardiologue. Tout changement de mon état lui est communiqué. Je me sens en sécurité. Puis c’est l’arrivée. Les membres de l’équipe d’urgence de l’hôpital m’attendent depuis déjà un bon moment. Aussitôt  la porte d’entrée franchie  je les aperçois. Ils me regardent calmement. Je souris pour la première fois depuis mon arrivée au sommet de la montagne, trois heures plus tôt.

Ce jour-là, grâce à la solidarité, à l’entre-aide et à l’empathie des membres radioamateurs de ARES, à la compétence des ambulanciers de la région de Thedford Mines, Guy Roberge et André Baril,  et des services médicaux de l’hôpital Laval de Québec, principalement le docteur Proulx, une vie est sauvée : la mienne ! Ils ont  ma reconnaissance pour toujours.

Lorsque vous passerez  devant un hôpital du Québec ou croiserez une ambulance, sachez que de grandes compétences s’y trouvent et sont prêtes à vous aider. Ils font partie d’un système qui mérite notre appréciation.

Si un jour vous suivez une voiture dont l’immatriculation débute par VE2…ou VA2… sachez que vous avez devant vous, probablement au volant, une personne membre d’une véritable confrérie de solidarité et d’entre-aide dont le but est de servir. Avec compassion et empathie au besoin. Les radioamateurs méritent notre respect. Ils sont des gens de causerie, mais aussi de solidarité, d’entre-aide et de coeur.

Claude Lalande
Québec
VE2LCF